sandrine57

Lectrice compulsive d'une quarantaine d'années, mère au foyer.

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27 janvier 2021

Née à la fin du XIXème siècle dans une ville de Silésie, Olga n'est encore qu'une petite fille quand ses parents meurent du typhus. Elle est alors recueillie par sa grand-mère qui l'emmène dans son village de Poméranie. Cette enfant éveillée et curieuse, animée d'une intarissable soif d'apprendre n'est pas au goût de son aïeule et son refus obstiné de se faire appeler Helga -Olga étant jugé trop slave- marque le début d'une vie commune faite de mésentente et de conflits larvés. Mais Olga ne se laisse pas démoraliser par ce foyer sans amour et c'est à l'école qu'elle s'épanouit malgré les obstacles que dressent sur la route du savoir l'instituteur et le pasteur. Olga est déterminée à étudier et à devenir institutrice. L'amour, elle le découvre dans les yeux puis dans les bras de son meilleur ami, Herbert. Elle n'est qu'une fille du village parmi les autres, une pauvresse orpheline, lui est l'héritier de la plus riche famille du village, des propriétaires terriens à la tête d'un empire sucrier. Ces deux-là s'aiment envers et contre tout. Olga qui rêve d'enseigner et Herbert qui ne pense qu'à parcourir le monde, à le conquérir au nom de la grande Allemagne. Cet amour jugé impossible par tous survivra aux temps, aux guerres et même à la mort. Toute sa vie, Olga sera la femme d'un seul homme…

C'est l'histoire d'une femme, d'un amour, d'un pays.
Olga, que l'on découvre se tenant à peine debout sur ses deux jambes et que l'on quitte nonagénaire morte héroïquement, est l'une de ses femmes de papier qui marque profondément un lecteur.
Olga tient à la fois du chêne et du roseau, elle ne plie pas, elle ne rompt pas. C'est une femme libre, une féministe avant l'heure, passionnée par son métier d'institutrice à une époque où les femmes ne sont pas vouées à faire des études et exercer une profession. C'est une femme amoureuse aussi. D'un homme qui n'est pas pour elle, d'un égoïste, d'un courant d'air. Mais Olga est fidèle et jusqu'au bout de sa vie, elle continuera à lui écrire, poste restante à Malmø, dans ce Grand Nord où il a disparu corps et biens. Lui contant son quotidien solitaire, son attachement indéfectible et les grandes secousses de l'histoire. Car Olga est née en Allemagne. Un petit pays qui rêve de grands espaces. De Bismarck à Hitler, ses dirigeants ont toujours vu trop grand, trop serrés dans les frontières d'une Allemagne qu'ils voulaient "über alles". Olga a connu les deux guerres et n'en a jamais démordu, c'est la folie expansionniste instillée par Bismarck qui a conduit son pays à sa perte. Libre penseuse, Olga a résisté aux appels patriotiques et aux sirènes du nazisme, ne ressentant qu'une immense peine pour tous ces jeunes soldats sacrifiés.
Olga est une femme simple dont la vie recèle pourtant bien des secrets. C'est avec Ferdinand, jeune homme d'abord, puis vieillissant lui aussi, que nous pénétrons dans l'intimité de cette femme hors du commun. Elle a été pour lui une amie, une confidente, une conseillère, une mère, une grand-mère, et il a été fidèle à ce lien toute sa vie, curieux de son histoire et de ses secrets.
Olga est un magnifique roman, une belle leçon de vie, le parcours émouvant d'une femme forte et inspirante. Un coup de cœur.

Yôko Ogawa

Actes Sud

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27 janvier 2021

À dix-sept ans, Mari tient la réception de l'hôtel Iris, l'établissement un peu miteux appartenant à sa mère, une femme autoritaire qui la brime. Dans cette station balnéaire japonaise, les distractions sont rares pour Mari, occupée à l'hôtel du matin au soir.
Une nuit, le silence est brisé par une terrible dispute. Une prostituée échevelée et nue fuit la chambre 202 en accusant son occupant des pires perversions. Tandis qu'elle hurle, l'homme la fait taire en quelques mots, d'une voix calme et ferme. Et Mari est immédiatement envoûtée par cette voix qui l'apaise. L'homme est âgé, sa réputation sulfureuse, mais la jeune fille ne peut s'empêcher de le suivre lorsqu'elle le retrouve par hasard en ville. Commence alors entre la réceptionniste et celui qui se présente comme un traducteur du russe, une relation, d'abord épistolaire, qui finit par devenir physique. Mari invente tous les prétextes pour rejoindre le traducteur sur son île et se soumettre à sa volonté de fer. Timide et respectueux en public, le vieil homme devient un maître du bondage et du sado-masochisme dans le secret de sa cabane.

Étrange plongée dans l'écriture fascinante et dérangeante de Yôko Ogawa. Poésie et délicatesse y tutoient violence et cruauté. le malaise que l'on ressent à la lecture de ce roman vient bien sûr du sujet, la relation sado masochiste entre une jeune fille et un vieillard. Mais elle se ressent aussi dans l'ambivalence des personnages. Ce vieux monsieur solitaire, poli, au look désuet, peut se montrer d'une extrême prévenance mais aussi d'une extrême violence. Sujet à des crises, il souffle le chaud et le froid. Mais rien ne semble déstabiliser sa jeune partenaire, mélange de naïveté et de perversion. Mari est amoureuse, attachée dans tous les sens du terme et ne vit que pour obéir à son amant et tenter de le satisfaire du mieux qu'elle peut. Les sévices et les humiliations n'ont aucune prise sur ses sentiments qu'elle juge normaux et naturels. Pourtant une telle relation est vouée à s'achever dans le drame. C'est par le biais d'une troisième personne qu'il adviendra. La mère ? Non, elle semble trop égocentrique pour se rendre compte des changements intervenus chez sa fille. La femme de ménage de l'hôtel ? Elle sait que Mari est amoureuse mais ne peut la dénoncer à sa mère car la jeune fille connaît aussi l'un de ses secrets. Non, le déséquilibre viendra du neveu du traducteur, un jeune homme muet car privé de sa langue pour lequel son oncle déploie des trésors d'ingéniosité en cuisine. Cet être étrange qui ne communique que par écrit va faire basculer la relation entre les amants…
Un roman qui dérange, qui flirte avec le malsain mais sans jamais tomber dans le glauque. Ogawa reste toujours sur la ligne de crête, les descriptions sont suggestives, sensuelles, érotiques sans être pornographiques. Malgré la violence, la cruauté n'est peut-être pas dans les gestes mais dans le jeu des sentiments subtilement pervers qui s'établit entre ces personnages ambigus dans leur banalité opposée à la violence de leur passion. Comme toujours avec cette auteure, la lecture n'est pas un long fleuve tranquille mais une suite de surprises qui piquent la curiosité, qui grattent les certitudes, qui distillent le malaise. Une grande auteure.

Points

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25 janvier 2021

Adopté à l’âge de trois ans par un couple de Danois, Qaanaaq Adriensen n’a jamais remis les pieds sur sa terre natale jusqu’au jour où une enquête le conduit à Nuuk, capitale du Groenland. Dans cette ville plutôt paisible, trois ouvriers de la plateforme pétrolière ont été tués, déchiquetés plutôt, comme s’ils avaient été attaqués par un ours polaire. Homme de la ville, Qaanaaq n’est pas à l’aise au milieu des chasseurs de phoques, dans ce climat glacial, cette langue gutturale qu’il ne comprend pas et ces croyances, traditions, superstitions et tabous qu’il ne connaît pas. La cheffe de la police lui adjoint un policier autochtone, Apputiku Kalakek, chargé de l’introduire dans ce monde inconnu, et accessoirement de le surveiller. Les deux hommes vont enquêter dans les paysages blancs, au pays de l’or noir, au moment crucial où le Parlement régional doit décider de son autonomie. Pétrole, dollars, politique et séparatisme se mettent sur la route de Qaanaaq qui va aussi renouer avec ses origines inuites et peut-être découvrir les terribles circonstances qui ont fait de lui un orphelin.

Quel dépaysement ! Et quelle belle incursion sur les terres gelées du Groenland ! Mo Malø a beau être français, il maîtrise bien son sujet et sait décrire les paysages, les modes de vie et le pays des Inuits. Dans ce grand Nord, la préoccupation principale est la survie. Il s’agit de conserver sa force, aussi, parler est une perte d’énergie. Alors on s’exprime d’un haussement de sourcils qui en dit plus long que les mots. On respecte la terre, les esprits et les traditions mais pour combien de temps encore ? Les Groenlandais vivent sur des gisements de pétrole et autres minerais convoités. Sauront-ils conserver leur mode de vie et leur nature ou succomberont-ils à l’appel des pétrodollars ? Là-bas comme ailleurs, les politiciens surfent entre ambition et démagogie, mensonges et corruption… La population hésite entre un mode de vie rude mais ancestral et les tentations de la modernité.
Mo Malø réussit le savant mélange entre une intrigue policière qui tient la route et sinue entre moultes fausses pistes et une analyse de la situation politique et sociale du Groenland. Qaanaaq est un policier qui gagne à être connu. Ce premier tome livre les secrets de ses origines et donne quelques indices sur l’homme qu’il est devenu. On aura plaisir à en apprendre plus sur ses parents adoptifs (une cheffe de la police à la retraite et un célèbre auteur de romans policiers), ses deux enfants, adoptifs eux aussi, et sa façon de se réapproprier son histoire. Son acolyte, Appu, est le plus attachant des deux. Derrière ses airs un peu patauds et sa nonchalance toute inuite se cache un bon flic qui a plusieurs fois sauvé la mise au super flic venu de Copenhague. Un duo qui fonctionne bien et un voyage au Groenland trop court malgré les plus de cinq cents pages du roman. On en veut plus ! Un coup de cœur.

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Glénat BD

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22 janvier 2021

Nouvelle ville, nouvel appartement et… nouvelle coupe de cheveux !
Après son road-trip existentiel, Lou pose ses valises à Tygre pour la rentrée universitaire. Étudiante motivée mais un peu submergée, la jeune fille plonge de plain-pied dans cette nouvelle vie de jeune adulte responsable. Concilier fêtes jusqu’à l’aube, cours plus ou moins clairs, autonomie et négociations avec le fournisseur Internet ne va pas sans quelques réglages. Et puis Lou reste Lou, elle continue à se poser des questions sur le sens de la vie et se retrouve souvent bien seule face à ses interrogations.

Le plaisir de retrouver Lou, sa famille, ses amis est un peu terni par un scénario qui manque de peps. Les jolis dessins ne font pas tout. Lou tourne en rond et nous avec elle. Où est passée la gamine volontaire, singulière, fan de mode qui n’hésitait pas à créer ses propres vêtements, toujours prête à se lancer dans une danse de la joie ? Elle a été remplacée par une étudiante nostalgique, perdue à la fac, perdue dans sa ville, qui saoule son entourage avec ses grands discours, ses grandes questions, son incapacité à vraiment s’intégrer.
Heureusement, d’autres personnages connus interviennent (trop brièvement) comme son frère Fulgor ou sa grand-mère.
Sous-titré ‘’Premier mouvement’’, ce premier tome de la série Sonata, constitue plus une transition qu’un nouveau départ. Lou est désormais une jeune adulte face à de nouveaux défis, il va falloir qu’elle cesse de piétiner, qu’elle se prenne en main et qu’elle trouve sa voie. On espère une suite plus dynamique et plus drôle.

Et autres nouvelles

Le Livre de poche

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21 janvier 2021

Première neige sur le mont Fuji est un recueil de six nouvelles compilées aléatoirement par la traductrice Cécile Sakai.
On y retrouve l’écriture délicate et poétique de Kawabata et son art de l’ellipse. Tout n’est pas dit, les sentiments sont à peine effleurés et certains comportements des personnages peuvent laisser le lecteur occidental, peu versé dans la psyché japonaise, perplexe. S’ajoute à cela une petite touche fantastique qui, encore une fois, pour qui ne connaît pas les légendes nippones, est assez déconcertante.
La première nouvelle qui donne son titre à l’ouvrage est la plus émouvante. Elle raconte les retrouvailles de deux amants séparés par la guerre. Le temps d’une nuit dans une station thermale au pied du mont Fuji, ils s’apportent un certain réconfort, eux qui ont été blessés par les aléas de la vie, de la mort et de la guerre.
La mort est d’ailleurs très présente dans le recueil, ainsi que l’empreinte que laissent les disparus chez les vivants. Là, on touche aux traditions et croyances japonaises et Kawabata nous laisse sur le bord du chemin.
Bref, ces nouvelles sont étonnantes mais souvent incompréhensibles. Restent la beauté de l’écriture de Kawabata et l’immersion dans les paysages japonais, toujours joliment décrits par l’auteur.