Mon père alcoolique et moi

Mariko Kikuchi

Akata Éditions

  • Conseillé par
    1 mars 2020

    Quand la mangaka Mariko Kikuchi remonte le fil de ses souvenirs, tout est obscurci par l'ombre de celui qui lui a donné la vie, son père alcoolique. Elle se souvient de ses retours à la maison tapageurs, de ses parties de cartes bruyantes alors que, petite fille, elle essayait de trouver le sommeil au fond de son lit. Ivre et volubile, il faisait régner la fureur, la violence dans un foyer déjà mis à mal par la foi exacerbée de sa mère qui passait son temps à prier et psalmodier plutôt que d'affronter le problème. Quand elle choisit de partir, Mariko se retrouve seule avec sa sœur et ce père incapable de veiller au bien-être de ses filles. Mariko a grandi partagée entre une violente haine contre lui et son devoir de fille. Quand, terrassé par un cancer, il sera en fin de vie, elle restera près de lui, dévouée malgré tout.

    Grosse claque que ce manga autobiographique qui raconte sans fioritures les ravages de l'alcoolisme dans une famille et la difficile construction de l'auteure après une enfance mise à mal par ce fléau. Mariko raconte sa souffrance et sa solitude face à ce mal, socialement accepté. Autour d'elle, les adultes ne comprennent pas sa douleur et excusent ce père qui certes boit mais organise des soirées entre amis si conviviales. Enfant silencieuse, elle se rebelle en grandissant et reproduit la violence qu'elle a toujours connue en maltraitant son père. Lui reste stoïque et continue à boire sans jamais chercher à se remettre en question ou à se soigner. Mariko en vient à ne plus savoir ce qui est normal, acceptable ou ce qui relève de l'inadmissible. Et quand elle rencontre un garçon, c'est tout naturellement qu'elle le laisse boire et la maltraiter, seule vision du couple qu'elle connaisse. Il lui a fallu beaucoup de courage et de volonté pour devenir la femme qu'elle est aujourd'hui, une mangaka reconnue et engagée, tant grandir dans un tel foyer avait sapé sa confiance en elle.
    Un témoignage poignant et très dur. Si les dessins, tout en rondeurs, pouvaient a priori laisser penser à une histoire triste mais douce, il n'en est rien et Mariko Kikuchi prend clairement le parti de la vérité sordide, du réalisme cru. Un manga à lire, vraiment. Que l'on soit concerné ou non par cette terrible maladie qu'est l'alcoolisme, on ne peut qu'être touché par l'histoire de Mariko qui raconte les dommages collatéraux de ce fléau qui n'affecte pas seulement celui qui boit mais aussi tous ceux qui l'entourent.