Yv

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Je lis, je lis, je lis, depuis longtemps. De tout, mais essentiellement des romans. Pas très original, mais peu de lectures "médiatiques". Mon vrai plaisir est de découvrir des auteurs et/ou des éditeurs peu connus et qui valent le coup.

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24 septembre 2013

Le narrateur est un jeune homme qui vient de quitter Lyon pour Paris, il est journaliste. Un jour, une nouvelle, son père, un flic réputé, exemplaire, "professionnel de la vérité" (4ème de couverture) a une autre vie à côté de sa vie officielle de sa femme et ses deux garçons. Une autre femme et une fille de 18 ans. La famille implose. Entre ceux qui ne veulent pas comprendre, qui frôlent la folie, telle la femme-mère trompée et le narrateur qui préfère s'expliquer avec son père, avoir enfin de vraies discussions, des confidences, eux qui évitent de se parler. C'est aussi pour lui, une vraie enquête sur les traces de ses parents pour tenter de comprendre.

Mis à part un petit passage à vide aux trois quarts du bouquin, léger, quelques pages qui m'ont semblé moins intéressantes avant que la fin ne reprenne le dessus, ce livre est passionnant. Je ne suis pourtant pas un grand fan des épanchements, des "romans" ou récits dans lesquels l'auteur ou son double se raconte -je ne sais d'ailleurs pas ce qui, ici relève de la fiction ou du roman- ou alors, il faut que ça soit excellent : une écriture exigeante qui laisse passer les émotions (dans le genre, j'aime beaucoup Annie Ernaux, Charles Juliet qui ont basé toute leur œuvre littéraire sur l'autofiction, mais beaucoup d'autres également l'ont fait sur des livres très personnels tels Jacques A. Bertrand dans le très beau Le pas du loup). Eh bien, sans vouloir comparer Gabriel Robinson à ces grands noms de la littérature française contemporaine, il réussit à écrire un texte bourré d'émotions, de sentiments, de tendresse, d'admiration mais aussi de frustration envers ce père avec qui il n'a jamais pu parler, ce qui semble être un thème universel il va falloir que je voie cela de près avec mon grand garçon. La colère est présente, ainsi que la compassion envers la mère, touchée, coulée même par la découverte de la double vie de son mari. Le fils devient père pour ses parents et reste grand frère pour son cadet en même temps qu'il découvre sa sœur. Ce qui semble faire mentir un guide dogon que les parents ont consulté au début de leur vie commune et que leur fils, menant son enquête sur la vie de ses parents, a retrouvé : "Les fils sont le désordre, les fils sembleront toujours désordonnés aux yeux de leurs pères. Les pères construisent et nous, nous détruisons. C'est l'idée fixe, l'image courante." (p.8)
Écriture à la fois travaillée et limpide, exigeante comme je l'écrivais plus haut, qui fait la place belle aux émotions, alternant phrases courtes, un peu de dialogues et longues phrases, questions, jeux sur les mots, assonances :
- "Hélas, parallèlement à ma peur exagérée des guêpes attirées par nos melons, j'avais le bourdon. Farceur sans complice, intégralement niais, les cheveux blanchis par le soleil provençal, juché sur BMX et vêtu de bermudas fleuris, je m'ennuyais gentil, régulièrement confondu en train de parler tout seul faute de gamins de mon âge familiers de ma langue ; il n'y avait que des Allemands, des Anglais et des Hollandais. Parler avec les mains ? Recréer le babil de Babel propre aux enfants qui se captent pour un jeu de balle, ferme les yeux jusqu'à cinq, un bisou." (p.37)
- "Le cœur épuisé, prêt à exploser, irrigué par le stress jusqu'à l'insomnie, la nausée, mon père a traversé des déserts, survécu tête baissée sans parler trop, ce chameau." (p.40)
J'aurais pu citer nombre d'autres extraits, personnellement, j'ai une faiblesse pour iceux : "Le babil de Babel" me ravit particulièrement. Aimer un texte peut tenir parfois à ce qui pourrait paraître des détails mais qui selon moi est le petit plus nécessaire, le je-ne-sais-quoi qui fait la différence entre deux textes : celui qu'il l'a et qui plaît et celui qui ne l'a pas et qui ne fait pas mouche. G. Robinson a manifestement ce petit plus , ce je-ne-sais quoi, sans doute le plaisir et le talent de faire jouer les mots entre eux.
Tout pour plaire ce livre qui explore les profondeurs des tourments humains, les relations familiales, les dits et les non-dits qui peuvent faire exploser un groupe, des individus ou une seule personne. Finement observé et magistralement narré. Pas larmoyant, même s'il n'est pas toujours gai, il ne tombe jamais dans le sordide, le vulgaire ou le pathos. Un premier roman très maîtrisé qui en laisse augurer d'autres de très bonne facture. Une très belle découverte, très convaincante pour cette rentrée littéraire de 2013.

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10 septembre 2013

Deux sœurs totalement opposées : le grande, exubérante, nymphomane fascinée par la mort et les cadavres, qui travaille au SAMU parisien et qui dirige la vie de sa sœur, qui la tyrannise, elle, la petite, renfermée, timide et qui s'exclut des relations sociales. Orphelines depuis toutes petites. Depuis 18 ans.
Un peu déçu de ce roman qui ne parvient pas à m'émouvoir : je suis les deux sœurs sans vraiment ressentir quoi que ce soit pour l'une et pour l'autre. Je ne sais si c'est dû à des personnages ou des situations déjà vus ou lus. Sans doute. Ou à une écriture volontairement déstructurée, parfois hachée qui n'apporte pas d'intensité au texte ni d'émotion. Probablement. Ou encore à l'absence de détails tels les prénoms des jeunes femmes, qui sont nommées la grande et la petite. Plausible.

Sûrement ces trois raisons simultanément qui font que jamais je n'ai pu m'intéresser vraiment à cette histoire.

Conseillé par
10 septembre 2013

Un homme et une femme se retrouvent pour fêter leurs vingt ans de mariage dans une chambre de l'hôtel Negresco. Vingt ans de mariage d'érosion des sentiments et des désirs. Après avoir fait l'amour, chacun d'entre eux se laisse aller à la rêverie.
Voilà pour les premières lignes du roman, et puis, on n'accède absolument pas à la rêverie des deux personnes, mais seulement au travail universitaire de l'homme sur Jean-Germain Gaucher, un compositeur de second ordre : sa vie son œuvre. Son œuvre indissociable de sa vie amoureuse et de sa vie d'homme de cabaret louche au début du 20ème siècle.
C'est un roman très bien écrit, on sent l'exigence littéraire, l'amour des belles phrases et du beau texte, mais ça ne suffit pas pour m'intéresser.

Il manque, à mon goût, de l'émotion, du souffle, un je-ne-sais-quoi qui ferait que je pourrais m'intéresser à Jean-Germain et aux femmes qui l'entourent.

Conseillé par
10 septembre 2013

Dans une grande surface, son chariot plein, le narrateur se fait traiter de "pauvre type" par un jeune homme n'ayant qu'un article, un à qui il refuse de céder sa place. Ces deux mots dits très tranquillement le laissent pantois, lui qui, ordinairement, a le sens de la répartie. Ils s'installent en lui et bousculent sa petite vie et ses petites habitudes.
Cet homme décide alors de se confier non pas par écrit, mais sur la fonction dictaphone de son téléphone portable. On découvre un homme fier de lui, responsable depuis dix ans du secteur Littérature et philosophie de la grande bibliothèque, un homme hautain, méprisant n'ayant que peu d'intérêt pour ceux qu'il ne juge pas dignes d'être à sa hauteur. C'est un homme méchant. Totalement narcissique, même s'il est conscient de ses faiblesses, ses couardises qu'il ne veut pas nommer.

Un homme à la routine bien ancrée tant dans sa vie professionnelle que dans sa vie personnelle.
C'est un livre bien écrit, mais qui ne me convainc pas totalement. Le problème n'est pas que le personnage principal soit détestable, non, après tout, rien n'oblige un écrivain à décrire un homme bon. Un homme ou une femme méprisables peuvent bien être au centre d'histoires ; souvent plus complexes que les héros blancs, ils en sont même plus intéressants. Non, le problème pour moi vient du fait que tout le livre est vu par ses yeux, normal puisqu'il s'agit d'une sorte de confession sur son portable, et que tout tourne autour de lui. Jamais le lecteur ne peut se reposer le temps de faire connaissance avec un autre intervenant. Le "je" est omniprésent, à quasiment toutes les phrases et cet homme suffisant fait bien montre de son mépris de l'autre, de son amour de lui-même.
Malgré ces réserves sur le fond, car la forme, elle, est irréprochable, une belle écriture qui joue sur plusieurs registres, des phrases longues, des courtes, des mots savants qui collent parfaitement au personnage, à sa pédanterie, le livre recèle de vraies belles pages, sarcastiques, ironiques, qui, sincèrement rien que pour elles, justifient la lecture de ce livre, comme par exemples celles qui suivent (mais il y en a beaucoup d'autres) :
"Avec ma femme, on ne se touche pas beaucoup. Ni son corps ne m'attire ni le mien ne lui plaît. Chacun s'endort de son côté, et pas de contact entre nous, comme si un rideau de plomb partageait l'espace. Elle regarde vers l'ouest et moi vers l'est. Notre manque de désir est réciproque. Aucun fantasme ne court dans nos têtes. Nous ne nous reprochons rien : pas de pommes pourries entre nous, pas de pensées amères. Une fois par mois, c'est elle qui donne le signal. Avec son orteil elle gratte un de mes mollets, abolit la ligne de partage. Je cède à la demande, par sagesse et par respect, parce que la femme qui est à côté de moi est ma femme, parce que l'imagination stimule assez d'envie pour que tout reste possible, parce que j'ai en horreur les complications." (p.92)

Je stoppe mon extrait ici, la chair est triste, et la suite des ébats du couple également, mais leur description vaut le détour, on est loin de l'engouement actuel pour l'érotisme en littérature.

NiL éditions

Conseillé par
6 septembre 2013

Un roman court qui malgré sa brièveté brosse le portrait de deux personnes à la dérive : Vincent le caïd en cavale et Anne-Gisèle, la jeune femme qui ne sait pas trop où elle en est. Serge Bramly décrit aussi l'attente et l'angoisse du frère de Vincent sans nouvelle qui n'ose pas en parler en famille : sa femme se supporte pas ce frère délinquant et ses enfants ne le connaissent pas (ils ont 11 et 15 ans et Vincent a été enfermé 15 ans). Mi-roman d'amour, mi-roman noir, c'est un bouquin qui se lit très vite, très agréablement. Rien de très nouveau sans doute dans les situations, mais les personnages sont attachants et crédibles. Et le texte est plaisant, rapide, direct. S. Bramly va au plus court des actions, des sentiments sans passer par des métaphores : ses personnages n'ont pas le temps, ils vivent l'instant présent sans vraiment penser à celui qui suit.

Assez compréhensible pour un fugitif recherché par la police. D'aucuns gloseront sur le format résolument court, sur le fait que l'auteur aurait pu allonger le récit en nous décrivant la traque des policiers, en faisant monter l'angoisse du frère et la tension au sein de sa famille, en y ajoutant quelques pages -chaudes ou non- sur la relation entre Vincent et Anne-Gisèle, sur leur frustration devant ces 120 pages, etc., etc. Ils auront tort, ces 120 pages sont suffisantes, elles touchent par leur humanité, les vers que cite Vincent et la concision est souvent un art difficile qui réussit sur ce livre à Serge Bramly.
En outre, une belle photo en couverture (signée de l'auteur) d'une actrice que je ne connais pas : honte à moi ! Et le début pour vous allécher :
"Les policiers ne comprenaient pas. Qu'est-ce qui lui avait pris ? Vincent avait pratiquement fini de purger sa peine. Je ne comprenais pas non plus. Deux inspecteurs. En blouson, plus jeunes que moi : la trentaine. L'un, le cheveu long, gras. L'autre, le visage flou, rien de mémorable. Leur expression disait : marre de perdre notre temps. Mes réponses ne leur plaisaient pas. Elles trahissaient moins mon ignorance, semblait-il, qu'une volonté de faire l'idiot, c'est-à-dire le malin. Vincent avait disparu, après avoir coupé son bracelet électronique. Assigné à résidence, à Nantes ? J'ignorais même qu'on lui avait accordé la conditionnelle." (p7/8)