Yv

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Je lis, je lis, je lis, depuis longtemps. De tout, mais essentiellement des romans. Pas très original, mais peu de lectures "médiatiques". Mon vrai plaisir est de découvrir des auteurs et/ou des éditeurs peu connus et qui valent le coup.

Luc Venot

La Bourdonnaye

Conseillé par
8 juillet 2015

Au départ, je dois dire que je fus un brin décontenancé voire perdu dans les quatre histoires qui alternent, se croisent dont on sent bien qu'elles vont se rejoindre totalement, mais le mystère - ou l'opacité - reste entier. Puis je me suis attaché à Alban, totalement barré, Chinois adopté à 2 ans et abandonné à 4 et à Corto aux manières élégantes, plein d'attentions pour les gens qu'il aime. Et l'écriture vive, rapide et souvent drôle de Luc Venot m'a permis d'avancer sans difficulté et de prendre vraiment goût à ma lecture, car dès lors que tout se met en place, c'est un bouquin qu'on ne lâche plus. Certains passages sont excellents comme cette description d'un des deux flics portugais, qui reprend pas mal de stéréotypes des flics de fiction et annonce clairement la couleur : "A même pas 26 ans, il est totalement désabusé par la nature humaine, complètement blasé, vicieux, teigneux. Presque le flic parfait. Il manque encore de méchanceté, mais Figo se dit que ça viendra avec l'expérience et le dégoût." (p.24) Un autre m'a marqué parce qu'il m'a fait beaucoup rire : la visite par Alban et Momo sous acide, de la ménagerie d'un zoo, (p. 129 à 135) avec en point d'orgue la découverte des éléphants... Je vous laisse le plaisir de la surprise lorsque vous lirez le roman.

Le réseau monté par Francis Dibramar est une énorme pieuvre et lorsqu'on y est entré -pas toujours volontairement- il est impossible d'en sortir. Le réseau, c'est une variation moderne du mythe de Faust dans le monde peu reluisant des gangsters. Dibramar est le diable qui achète les âmes de ses futurs collaborateurs. Lorsque ceux-ci ont signé, ils sont protégés, soignés, vivent très bien, souvent assez paisiblement jusqu'au moment où il leur faudra rendre service, n'importe lequel à n'importe quel prix : "Dibramar est plus grand que toutes les mafias, les triades, les Yakusas. Supérieur aux États, aux armées... C'est un grand sorcier." (p.168). Il ne peut pas perdre, vacille à peine, il faut dire qu'il a su et sait toujours s'entourer; il a de multiples contacts politiques, tant en France que dans le monde.

Luc Venot écrit là un polar original, drôle et violent, un peu comme les films de Quentin Tarantino - c'est la première image qui me vienne, je dois confesser ici un manque évident de culture cinématographique, sûrement d'autres noms viendront aux esprits de lecteurs plus avisés que moi en la matière -, là où la violence survient juste après ou avant une scène de franche rigolade, où elle peut être atténuée par un dialogue drôle et décalé (je pense à la scène de la balle perdue dans la voiture dans Pulp Fiction). En plus de toutes les belles choses que j'ai dites sur ce roman, je trouve la couverture très réussie (et très Tarantino-cinématographique), et chez La Bourdonnaye, les livres existent aussi en versions numériques à des prix très abordables.

Conseillé par
8 juillet 2015

De courtes histoires, en deux pages, la première plante le décor avec des petites images et la dernière, au verso est une seule grande image, la chute, drôle, décalée, poétique, originale, ... Tout Monsieur Hulot quoi ! On ne peut pas se lasser de feuilleter l'album, à chaque fois, la magie du personnage fonctionne, je rigole, je souris, et j'envie un peu l'insouciance de Monsieur Hulot. Le dessin est simple, classique, pas de fioritures, même si certains détails sont intéressants à voir : on reconnaît les personnages et même l'appartement de Monsieur Hulot, tout en haut d'un petit immeuble (pour qui a vu les films, il est facilement identifiable).

Mon seul regret : que le livre ne soit pas plus long...

A mettre entre absolument toutes les mains et devant tous les yeux, même et surtout ceux des enfants, mais parents, faites les curieux, lisez par-dessus l'épaule de vos bambins, vous risquez d'être repérés par vos rires étouffés ou non.

Collectif

Au Diable Vauvert

Conseillé par
8 juillet 2015

Intranqu'îllités, revue littéraire et artistique est parue il y a plusieurs années, et ce hors série reprend des textes et iconographies des deux premiers numéros épuisés et des inédits. Textes d'auteurs connus et reconnus je ne pourrais pas les nommer tous, la liste est longue et pleine de noms d'auteurs que j'aime beaucoup et d'autres dont je ne connaissais que le nom sans les avoir jamais lus avant cette revue, mais en fin d'article, je mets la quatrième de couverture qui cite les noms des présents) haïtiens et non haïtiens. Prose, poésie, entretien (avec Borges notamment). Dessins, peinture, photos pour les superbes illustrations. Cette revue est riche. Elle se lit par petites touches. Il faut donc la laisser à portée de mains, de toutes les mains qui furètent dans nos maisons.

Intranqu'îllités pour les îles et notamment Haïti mais aussi pour la manière dont ces lectures et ces œuvres vont heurter, émouvoir, plaire, dégoûter, enchanter le lecteur. C'est beau, ça ne ressemble à rien d'autre, c'est donc une revue à découvrir inévitablement.

Editions de l'Aube

Conseillé par
8 juillet 2015

Roman basé sur un fait divers réel, malheureusement récurrent aux États-Unis. Ensuite l'auteur bâtit son histoire et modèle son personnage principal d'une manière bluffante qui nous tient de bout en bout sans jamais nous lâcher. Nous sommes dans la tête de Joan Travers, c'est elle qui s'exprime. On est aussi étonné qu'elle lorsqu'elle est arrêtée pour la fusillade, puis lorsqu'elle est interrogée et qu'elle nie toute participation. Lorsque les preuves s'accumulent on prend un peu de recul, et c'est à ce moment là que l'auteur débute la jeunesse de Joan. Née en 1965, elle devra se construire entre des parents qui "ont toujours campé aux antipodes. (...) Mon père était aussi taciturne que maman était volubile. Il était aussi ombrageux et cassant qu'elle pouvait être douce et avenante." (p. 29). Plutôt hippies mais avec une petite volonté bien enfouie -qui ne demande qu'une occasion pour sortir- de s'élever dans la société. Lorsque cette occasion se présente, ils viennent s'installer à Boston et feront désormais partie de la bourgeoisie locale. Keith, le frère de Joan naît. Surdoué, il la dépasse très vite et Joan est oubliée.

Toute son enfance sera marquée par la volonté d'être un garçon, elle comprend vite qu'elle ne pourra pas être aimée seulement parce qu'elle est une fille. "Keith et moi n'appartenions pas à la même caste. Le couperet était tombé. Pour mon plus grand désespoir, mon père avait la même vision sexiste et rigide que maman." (p.78/79) Elle subira son adolescence plus qu'elle ne la vivra, pour preuve cette simple phrase qui résume bien tout cela : "En 1983, nous atterrîmes mollement en terminale." (p.71) Et je vous laisse découvrir la suite tout aussi morose.

John N. Turner maîtrise totalement son sujet et sous sa plume Joan se révèle. Un portrait dense et fort de cette femme et de son parcours qui la mènera jusqu'à ce geste incroyable. Le roman se lit sans s'arrêter, aucun temps mort et même si le rythme n'est pas trépidant, on est totalement happé par cette histoire et cette femme qui se dévoile. Plus j'avançais dans ma lecture et plus je me disais -parfois à voix haute, il m'arrive de me parler tout seul, mais bon lorsque vous saurez que je parle aussi aux distributeurs automatiques, aux pompes à essence à carte... bon en fait, souvent, je ne fais que répondre à leurs bonjour, au revoir et merci... euh, parfois je peux leur demander si leur journée à été bonne...-, pouf pouf, je disais donc que plus j'avançais, plus je me disais que ce livre était bien écrit et finement traduit, élégance du style, français impeccable. Je suis donc retourné aux premières pages chercher le nom du traducteur ou de la traductrice. Et là, surprise, John N. Turner est Français ! Selon l'éditeur, il est un scientifique de renommée internationale, fin connaisseur des États-Unis, qui écrit là son deuxième roman. RRrr, j'en ai marre de ces gens qui sont bons partout, ça va finir par me donner des complexes.