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11 septembre 2010

La narratrice, à l'identité floue, raconte et se raconte : un quotidien qui ne distingue plus vraiment la nuit du jour, exclusivement occupé par le tango, toujours en attente sans vraiment savoir de quoi (d'un amour qui passe et fuit ; de la prochaine soirée de danse ; du retour de Lou danseuse amie autant que rivale subitement disparue), un quotidien où le fantasme occupe plus l'espace que la réalité.

Des personnages se croisent, se cherchent en s'évitant, se regardent sans se voir. Ambiance moite, addictions multiples, décrépitude à peine masquée par un vernis défraîchi ... c'est dans un univers surprenant et envoûtant que se déroule Ego Tango.

Soutenu par un style abrupt, haché et pourtant poétique, un style qui rebute et qui émeut tout à la fois, ce roman peut égarer, il peut agacer, il peut transporter ... mais il ne peut pas laisser indifférent. Difficile de qualifier la plume de Caroline de Mulder : la syntaxe est maltraitée voire cassée comme le sont les corps et les âmes de ses anti-héros. La beauté jaillit de phrases qui n'en sont pas, de phrases qui commencent souvent par des propos convenus pour s'achever net, laissant le sens en suspens, maltraitant la ponctuation, faisant surgir l'émotion de la laideur et de l'errance. La plume de Caroline de Mulder danse comme ses personnages : tantôt en rythme, en avant, tantôt reculant, comme par à-coups.

A plusieurs reprises, lors de ma lecture, j'ai pensé à "Une Charogne" de Baudelaire ainsi qu'à des poèmes qu'on trouve beaux sans pourtant les comprendre vraiment. J'ai aimé Ego Tango sans l'aimer ; ma seule certitude est que je n'oublierai pas le nom de son auteur et que je guetterai la sortie de son prochain roman.