S'il y a des spectacles et des technologies plus photogéniques que d'autres, les bateaux qui volent sont de ceux-là. Depuis une décennie déjà, des marins dressent sur des plans d'eau des engins avec comme horizon la volonté de les guider autour du globe. Une technique sans cesse plus précise, un désir de s'affranchir des lois de frottement, aller plus vite, utiliser au maximum les forces qui gouvernent la mer. Sublimé par les images de Martin-Raget le livre fascinera petits et grands. A regarder de tous ses yeux et à lire en commençant par la phrase de Tabarly : un jour tous les bateaux voleront.

A mi-chemin entre l'adresse au poète de Rilke et le "Kaddish pour l'enfant qui ne naîtra pas" de Kertesz, l'immense poétesse et romancière afro-américaine Maya Angelou écrit une lettre à sa fille. Mais quand on sait qu'elle n'enfanta qu'un garçon, cette supplique devient une lettre rédigée à toutes les filles de l'Amérique, qu'elle tisse au plus proche de ses expériences et par laquelle elle montre les prises de position courageuses qu'elle dût prendre avec ses ami-e-s. Elle envoie une lettre d'amour à sa mère et à celles qui viendront après elle guidée par une langue et une foi magnifiques.

Dans la trilogie du béton, JG Ballard écrit : elle parlait du gratte-ciel comme d'une sorte d'immense présence animée... Page après page, une sensualité, qu'un noir et blanc de choix rehausse, ressort des constructions qui nous font face. Happé au coeur d'un univers de formes prêtent à se mouvoir, on caresse de l'oeil les courbes et les ossatures jusqu'à ressentir la matière si lourde au creux de sa paume. La beauté vient ici des agencements de cubes gigantesques, des imbrications défiant l'apesanteur jusqu'à se souvenir que Tugdual traversa la mer dans une auge en pierre. Insoutenable légèreté.

Peut-être passe-t-on une grande partie de notre vie à vouloir expliquer les liens qui nous unissent au contact de telle émotion, à la relation intérieure qui se crée avec un objet alors que l'on ne s'y attend pas, que demain ne pourra plus ignorer l'empreinte que "celui qui a fait ça" a laissé en vous. Peut-être que c'est à nous de faire le boulot au contact d'artiste majeur comme Cy Twombly, lui, ayant irrévocablement, fait le sien. Peut-être qu'être touché c'est surmonter notre ignorance borgne, c'est laissé l'autre fondre nos a priori en or ou en artichaut. Savoir qu'on était poète à 7 ans.

Lorsqu’on accueillit Garcia Marquez en ces termes "Voilà le plus célèbre enfant de Colombie" et qu'il répondit "Kid Pambelé est là ?", le futur ajoutera "Fernando Botero n'a pas pu venir". Car entre l'écrivain et le boxeur, le peintre-sculpteur est le troisième génie de Medellin. C'est de là qu'il prit corps, qu'il peignit le volume en contrepoint de l'art contemporain qui sculptait le filiforme et se saisissait du trait pour laisser l'espace à la toile. Des portraits du début aux remarquables prises de position contre Abou Ghrahib, une rétrospective émouvante comme un miroir aux sentiments.