Un voyou argentin

Ernesto Mallo

Rivages

  • Conseillé par
    27 juin 2012

    "Libérés de la terreur étatique, les consommateurs sont à la fête, les fonctionnaires brossent leur costume en parlant de démocratie et la majorité déclare qu'elle n'a pas eu vent des atrocités perpétrées par les militaires."
    Avant. Il y a très très peu de temps, c'était hier ou ce matin même, régnait la dictature des militaires et "l'impression confuse, diffuse et permanente de courir le risque d'être enlevé, torturé et exécuté à tout moment." (30 000 disparus avec la complicité de l'église catholique argentine.)
    Nous sommes à Buenos Aires. C'est la période de transition entre le sanguinaire régime militaire de Videla et un semblant de début de démocratie. Résonnent encore les échos des chambres de torture...

    "SHAKESPEARE AUSSI ETAIT UN TERRORISTE
    " Words... words... words... " disait-il
    Videla ?
    En français : BUDELLE, tripes
    En italien : BUDELLA, tripes
    En argentin ?
    Allez-y voir !
    DE QUOI DEGUEULER...
    VRAIMENT !" chantait Léo Ferré.
    Eva...La dernière chose dont il se souvient, c'est Eva fuyant la scène de la fusillade. Eva la révoltée. Eva la dissidente. Eva la subversive.
    Perro Lascano, ancien flic, a trahi pour la protéger. Il va payer cash.
    Laissé pour mort sur le trottoir...il refait surface. Alfonsin est le nouveau président...d'un nouveau régime presque démocratique.
    Oui, presque !
    Les plaies sont encore à vif, cette période de transition est encore douloureuse : les grand-mères de la place de Mai cherchent encore leurs morts, les mères cherchent encore leurs enfants volés par la junte militaire, les anciens tortionnaires sont encore en poste...
    Rôde Topo Miranda le braqueur à l'ancienne qui n'a rien d'un assassin.
    Rôdent les Apostoles, groupe de jeunes officiers (la nouvelle génération de corrompus) qui gèrent le trafic de drogue, soutenus par quelques hauts fonctionnaires au passé plus que trouble.
    Il y a bien ce jeune et téméraire procureur, diplômé en littérature argentine, chevalier blanc qui veut lessiver tout ce sale monde aux mains rouges de sang. Mais...
    Ce roman va crescendo pour finir en apothéose. Perro Lascano, l'ex flic, l'amoureux éperdu d'Eva, est très attachant.
    Les premiers comme les seconds rôles sont vivants et même morts...c'est comme si vous y étiez. Brrrrrrrr, ça fait bien peur !
    J'en ai encore des frissons dans le dos !
    Une fin à pleurer...de joie ou de chagrin...suspens, suspens !
    Que demander de plus ?
    Un très bon moment de lecture.
    De la bonne, très bonne politique-fiction !
    Une belle écriture en plus pour ne pas gâcher le tout.
    C'est déjà pas mal, non ? C'est même beaucoup ?
    C'est le deuxième opus d'une série qui débute avec "Une aiguille dans la botte de foin" avec toujours l'incorruptible Perro Lascano.
    J'ai bien envie de retourner dans cette terrible Argentine des années 70 pour prendre des nouvelles de Perro.
    "Il sait que quand la passion et la raison luttent l'une contre l'autre,
    c'est toujours la passion qui l'emporte."